L’analyse de pratiques professionnelles selon Marguerite Altet


  

L’analyse de pratiques professionnelles


 

I. Pourquoi l’analyse de pratiques professionnelles ? En quoi ça aide ?

A. L’objectif de l’analyse de pratiques

L’analyse de pratiques professionnelles a une quinzaine d’années d’existence. Son objectif est de faire passer de l’exécution à la professionnalisation (responsabilisation). Professionnaliser, c’est rendre compétent dans l’Action. Cela induit donc une identité professionnelle spécifique.

Le métier d’enseignant est complexe parce que singulier. Il faut donc former en construisant une attitude réflexive sur le métier. En effet, un professionnel est un praticien réflexif qui met en oeuvre une posture réflexive permanente (il cherche à comprendre pour s’adapter).

Cette pratique réflexive intervient souvent dans un métier complexe ou un métier en crise.

B. Quel modèle de formation ?

Si l’analyse de pratiques est mise en place, on est en droit de se demander quel modèle de

formation va être appliqué. En effet, il existe plusieurs possibilités :

- former traditionnellement par rapport au charisme ;

- former autour de ceux qui savent (imitation) ;

- adopter le modèle de l’ingénieur (la théorie est première) ;

- partir de la pratique pour apporter des éléments théoriques qui permettent de construire une nouvelle pratique (c’est le modèle de l’analyse de pratiques).

Deux processus coexistent dans le modèle d’analyse de pratiques :

ü  un processus pratique-pratique, « de la pratique à la pratique » ;

ü  un processus théorie-théorie.

Comment s’articulent-ils, comment s’intègrent-ils ?

C. La notion de savoirs professionnels

Les savoirs professionnels sont pluriels, divers, composites, hétérogènes. Cohabitent :

- les savoirs à enseigner (académiques, disciplinaires) ;

- les savoirs pour enseigner (pédagogiques, didactiques) ;

- les savoirs sur enseigner (savoirs issus d’une formalisation de la pratique) ;

- les savoirs de la pratique (savoirs d’expériences construits de manière progressive sur

le terrain).

Donc savoir enseigner, c’est un montage de savoirs composites de natures différentes.

Nos savoirs sont marqués par notre pratique quotidienne. C’est ce qu’on appelle le « Working knowledge » (M. Kennedy, 1983) ou « savoirs ouvragés ». Un dispositif d’accompagnement est donc indispensable, surtout dans les cinq premières années.

L’expérience du travail est elle-même réflexivité, adaptation de ces savoirs.

II. Un type de démarche. Les savoirs-outils

A. Quels dispositifs ?

Il faut partir des actions des stagiaires pour passer à une formation d’analyse de pratiques.

Les dispositifs permettant une prise de conscience et une réflexivité peuvent varier en fonction

du modèle d’analyse de pratiques :

- la vidéo-formation ;

- l’entretien d’explicitation qui permet d’amener à mettre en mots sa pratique (verbaliser);

- l’observation mutuelle qui présente toutefois une limite, à savoir que la capacité à analyser est limitée à ce qui a été vécu ;

- le journal de bord (écriture de sa propre pratique) ;

- le travail sur les représentations du travail et de soi-même.

L’objectif de tous ces dispositifs est l’action.

B. Quelle démarche ?

Il faut identifier la manière dont le néo-titulaire met en oeuvre les compétences. Mais l’analyse n’est possible qu’à l’aide d’outils. Il ne peut former à la réflexivité que par un accompagnement réflexif formateur(s)-stagiaire(s).

1) Qu’est-ce que l’analyse ?

Analyser, c’est différent d’observer, c’est différent d’évaluer. Analyser, c’est repérer, identifier

des éléments isolables, c’est mettre en relation ces éléments, leur donner un sens. À cet

effet, le(s) formateur(s) s’appuie(nt) sur un modèle d’analyse, sur une conception du métier

d’enseignant.

L’analyse est une analyse compréhensive : « Expliquer et comprendre ne font qu’un »

(Bourdieu). Elle s’appuie sur des modèles d’intelligibilité (des grilles de lecture de la situation

de classe).

2) Qu’est-ce que la pratique ?

On distingue pratique (ce qui est réalisé) et travail (ce qui est prescrit). On ne considère pas

l’analyse clinique, le ressenti de la personne elle-même.

La pratique est la manière d’agir professionnel d’une personne dans un ensemble de normes

reconnues dans un corps professionnel. Ainsi la pratique présente plusieurs dimensions, plusieurs facettes :

- une dimension finalisée : l’apprentissage, la socialisation (dimension didactique) ;

- une dimension technique : manière de faire (dimension pédagogique) ;

- une dimension interactive, relationnelle : c’est un métier humain interactif ;

- une dimension contextualisée : variabilité imposée (heure de cours, type de salle, type

d’élèves…) et choisie ;

- une dimension temporelle : gestion du temps d’apprentissage sur une année mais il y a

également l’avant et l’après ;

- une dimension affective : construction d’une intersubjectivité ;

- une dimension psychosociale : gestion du groupe.

Toutes ces dimensions sont imbriquées les unes dans les autres. L’analyse de pratiques doit

donc analyser ce qu’il se passe.

3) Qu’est-ce que l’analyse de pratiques ?

1. C’est une démarche finalisée pour construire un métier, une identité professionnelle

avec une analyse réflexive.

2. C’est une démarche groupale. Il faut regrouper des néo-titulaires ensembles avec un tandem de formateurs pour analyser la pratique d’un néo-titulaire devant un groupe de pairs.

Le groupe analyse d’abord ; le formateur n’intervient seulement qu’à la fin. Le groupe est un

groupe de parole. Le néo-titulaire s’exprime sur une expérience.

3. La pratique est accompagnée par un (ou deux) formateur(s) qui va aider à la distanciation,

à la réflexivité par la formulation de points de vue pluriels à l’aide de plusieurs outils.

Le formateur aide à la formulation, à l’explication du problème ou de la réussite (c’est intéressant quand on analyse une réussite puisqu’on peut alors s’interroger sur pourquoi ça a marché).

Il ne doit pas chercher à modéliser, il ne s’agit pas de former à une pratique standard.

Attention, il ne s’agit pas d’un conseil mais d’un accompagnement à comprendre ce qu’il sepasse !

Donc l’analyse de pratiques est une démarche instrumentée par des savoirs, des outils

d’analyse. Elle est menée grâce à des outils conceptuels, des référents théoriques qui permettent de décrire en mots, de lire autrement, de recadrer, de formaliser la pratique de l’enseignant. Il y a donc un « savoir analyser » les pratiques et les situations.

                                  Marguerite Altet                  
     (IUFM d’Orléans -Bourgogne – 26 juin 2002 )        

Marguerite Altet: Professeur à l’Université de Nantes, chercheur au Centre de recherche en éducation de Nantes (CREN).

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